L’ex Yougoslavie, de par son histoire récente, est encore dans les mémoires collectives, associée au conflit. Cependant, beaucoup de choses ont changé depuis la fin de la guerre.
Remarque: cet article est basé sur mon expérience, forcément subjective et limitée dans le temps, ainsi que sur les discussions que j’ai pu avoir avec les personnes que j’ai rencontrées. Loin de représenter un panel valable, il s’agit principalement de jeunes de ma génération, mais aussi des plus agés, issus des (seulement) 3 pays de l’ex Yougoslavie que j’ai traversé.
Les mines
On m’avait beaucoup prévenu à propos des mines, de faire attention à où je mettais les pieds et plantais la tente. Dans les années qui ont suivi le conflit, plusieurs personnes chaque année subissaient les explosions de ces engins vicieux pour les populations. Puis le rythme s’est ralenti, et aujourd’hui il s’agit de moins d’une explosion involontaire par an, souvent un agriculteur. Les zones minées sont toutes délimitées par des panneaux, mais je n’en ai même pas vu un seul.
Les chiens
Idem que pour les mines, on m’avait dit de faire attention aux meutes de chiens errants. Je n’a pas vu une seule meute, ni même un seul chien errant avant la Serbie.
En Serbie, parfois un ou 2 chiens qui trainent dans les villages, mais pas plus. Rien à voir avec les mises en garde. La plupart me regardent passer, parfois en aboyant, seuls 2 m’ont couru après en aboyant, me faisant accélérer pour ne pas devoir vérifier s’ils jouent, sont curieux, ou défendent leur territoire.
Les ruines
Certaines zones portent encore les stigmates des bombardements, quelques ruines de bâtiments criblés de balles, mais globalement la reconstruction est en bonne voie. Dans 10 ans il ne restera plus beaucoup de traces. C’est déjà le cas dans certains endroits dévastés par le conflit, comme à Vincosci près de la frontière serbo croate.
Apparemment certaines zones sont laissées telles quel pour participer au travail de mémoire, notamment en Bosnie, mais je n’ai pas eu la chance de passer par là.
Les réfugiés
Beaucoup de gens ont du fuir les zones de combats et de bombardement. Certains sont rentrés chez eux, d’autres sont restés dans les zones qui les ont accueilli. La région était déjà mélangée avant le conflit, elle l’est encore plus après mais il faut maintenant compter avec les rancœurs.
Les voisins
Les slovènes n’aiment pas tellement les croates, qui sont nombreux en Slovénie, ce qui ne les empêche pas d’aller massivement passer leurs vacances sur les côtes croates.
Les croates n’aiment pas tellement les serbes, et se moquent volontiers des villages serbes annexés à la suite du conflit.
Les serbes n’aiment pas tellement … les bulgares. (Rappel: la Bulgarie ne faisait pas partie de l’ex Yougoslavie).
Un bosniaque rencontré en Croatie fut très insistant pour que je modifie mon trajet pour contourner totalement la Serbie, il ne voulait pas entendre parler des villes serbes.
La population
Les slovènes sont passés à autre chose depuis longtemps. Les premiers à faire sécession, l’économie en pleine forme du petit pays a aidé à tourner la page. L’appellation de la petite Suisse des Balkans colle complément à l’image du pays.
Les croates ont tourné la page, et aimeraient aller de l’avant, mais l’économie stagnante et le chômage massif des jeunes ne le permet pas vraiment.
Les serbes sont victimes de l’image de nation méchante dans l’imaginaire collectif mondial, et en sont conscient. Est ce pour ça qu’ils sont tous hyper accueillants et chaleureux ? Je ne compte pas le nombre d’invitations à boire un verre, de demandes si j’ai besoin d’aide ou de quelque chose. Comme si chaque individu, de sa propre initiative, voulait participer à changer l’image de son pays au yeux du monde. Le sans lien avec le processus de paix et d’excuses, beaucoup plus lent, en cours au niveau de l’état.
Les serbes, conscients d’avoir été les méchants en tant que nation, estiment cependant que les croates ont été blanchis et pardonnés un peu vite, car eux aussi ont commis des bombardements et massacres de population. L’acquittement en appel d’un général croate récemment à la Haye a été vécu comme une injustice. Pas qu’il faille acquitter les généraux serbes, mais que les coupables des 2 camps soient punis.
Bref, il reste encore du travail pour que les Balkans soient à nouveau apaisés, et je ne parle pas de la zone du Kosovo, dont je ne sais pas grand chose. Des diplomates français et allemands donnent régulièrement des conférences pour expliquer que faire la paix n’est pas simple, mais que ça vaut toujours le coup.
Voilà, c’était un petit résumé de mon ressenti après avoir traversé la péninsule, qui, encore une fois, n’engage que moi. Dans tous les cas les zones que j’ai traversé sont absolument sûres, sécurisées et accueillantes, n’hésitez pas à venir visiter le coin.
(Non, ce billet n’est pas sponsorisé par l’office du tourisme des Balkans)